La technologie blockchain, vous en avez sûrement entendu parler, elle s’est fait connaître par le biais de Bitcoin, cette cryptomonnaie décentralisée qui a rejoint bien des portefeuilles au gré de l’explosion de sa popularité (et par extension, de son prix).
Cependant le Bitcoin n’est pas la blockchain, enfin pas uniquement mais surtout... la blockchain n’est pas (que) le Bitcoin.
Nombreux sont pourtant ceux (médias inclus) qui font encore l’amalgame entre ces deux termes. Il est ainsi temps de reprendre les bases pour comprendre que la blockchain n’est pas nécessairement liée à une cryptomonnaie et encore moins à de la spéculation.
L’ objectif de cet article est d’explorer les cas possibles d'utilisation de la technologie blockchain sur le territoire polynésien.
Le contexte Polynésien
Brève introduction à la Polynésie Française
La Polynésie Française est un territoire insulaire Français doté d’un statut d’autonomie spécifique.
Autrement dit un gouvernement Polynésien est en place et il est chargé du bon fonctionnement du territoire, avec de larges pouvoirs sur certains sujets. Sur certains autres sujets qualifiés de "souverains" (comme la sécurité intérieure, la diplomatie ou... la monnaie), les cadres sont cependant imposés par la loi Française ou encore discutés et arbitrés avec le représentant de l’Etat sur le territoire, le Haut-commissaire.
Etat actuel des technologies et de l'innovation dans le territoire
En raison de son éloignement géographique et sa petite économie la Polynésie accuse un certain retard en terme d’innovation et de nouvelles technologies. A ces contraintes, s'ajoutent d’autres facteurs comme le manque de structures de formation et d’éducation poussant beaucoup de jeunes polynésiens à rejoindre la France métropolitaine ou l’étranger pour faire leurs études.
Il s'agit d'un défi majeur et il ne fait aucun doute que la Polynésie possède la capacité et les atouts nécessaires pour faire avancer les choses.
La technologie blockchain
Définition et explication de la technologie blockchain
Stuart Haber et W. Scott Stornetta sont les premiers en 1991 à avoir mené une étude sur les Blockchain cryptographiquement sécurisées.
Ces chercheurs voulaient mettre en application un système de documents horodatés qui ne pourraient pas être falsifiés ou antidatés. Un an plus tard, Dave Bayer, Stuart Haber et W. Scott Stornetta ont incorporé le concept d'arbre de Merkle au système, ce qui a amélioré son efficacité en permettant à plusieurs documents d'être assemblés en un seul bloc.
La blockchain est essentiellement une base de données distribuée.
Les informations qui y circulent peuvent être lues et envoyées par les utilisateurs via des nœuds qui constituent le réseau, il s’agit dans le cas de bitcoin par exemple d’un mineur ou d’un validateur pour Ethereum.
Ces informations sont vérifiées par ces validateurs et sont regroupées par bloc formant ainsi, une chaîne de blocs, une Blockchain en anglais. L'ensemble du processus s'exécute de manière sécurisée grâce à la cryptographie, rendant les blockchain particulièrement résistantes aux attaques.
Lorsque l’on parle de Blockchain décentralisé, c’est comme si, chacun d’entre nous faisait tourner un morceau ou une copie d’Internet sur un serveur à la maison.
Afin d’assurer que le contenu des blocs soit correct et ainsi d’éviter toutes tricheries, les blockchain utilisent des mécanismes de consensus, une sorte de démocratie ou la majorité des validateurs doit être d'accord avant d’intégrer un nouveau bloc.
L’ avantage des blockchains est avant tout la sécurisation des données s'y trouvant. Elles ont également l’avantage de pouvoir être transparentes ou au contraire anonymes. Cette solution technologique peut répondre à énormément de besoins à l’avenir, en supprimant certains tiers de confiance, faisant baisser le facteur humain en termes d’erreurs et de fraudes.
Les différentes applications possibles de la technologie blockchain
On le sait, cette technologie à été rendue particulièrement célèbre grâce au réseau Bitcoin, une blockchain dont la fonctionnalité est l’émission de transactions et la création de portefeuilles numériques décentralisés et pseudonymes.
Cependant bien d’autres applications de cette technologie ont été étudiées et appliquées.
Exemples :
VeChain, une blockchain destinée aux entreprises proposant des outils de transfert de données et de gestion de chaîne d’approvisionnement. Elle est notamment utilisée par BMW pour prévenir la fraude au compteur kilométrique dans les ventes automobiles, LVMH pour le suivi des articles en cuir de luxe, ou encore Walmart pour suivre la provenance des aliments.
Filecoin, qui permet la location d’espace de stockage de pair à pair. Filecoin repose sur le protocole InterPlanetary File System (IPFS). Il permet de stocker et de partager des données sur un réseau décentralisé.
Ces deux blockchains citées plus haut sont publiques mais il en existe également certaines qui sont privées.
C’est le cas de Hyperledger Fabric, créée par IBM. Elle permet la créations d’applications et l'émission/réception de transactions. Cependant la différence avec d’autres réseaux comme Ethereum, Avalanche ou MultiversX réside dans le fait que les validateurs ne sont pas anonymes mais vérifiés et inclus dans un cadre privé. Certains des participants sont très connus, on pourra citer Airbus, American Express, JP Morgan, Intel, Bosch, Samsung ou encore Ripple.
Cas possibles d'utilisation de la technologie blockchain sur le territoire polynésien
Comme vu plus haut, le panel d’applications et les avantages de l’utilisation de technologies blockchain sont nombreux.
Il est maintenant temps de se pencher sur les applications possibles sur le territoire polynésien. Pour quels secteurs, types d’entreprises et comment en tirer avantage.
Domaine de la gouvernance
1. Le vote et la transparence
Un des domaines où la blockchain à pu être utilisé est le vote par gouvernance. Celui-ci apporte une grande transparence sur la détention et le vote par le biais des tokens, la technologie Blockchain offre un moyen sécurisé pour cette tâche.
Dans le cas d’un vote démocratique il serait envisageable de distribuer un NFT ou un token représentant votre voix, de pouvoir par la suite l’utiliser pour voter lors d’un référendum par exemple. Il serait même possible de déléguer votre vote dans le cas où une commission se chargerait de la décision. Il vous serait donc possible d’accorder votre confiance à un représentant qui pourra utiliser votre voix par délégation. Il serait néanmoins toujours possible de vérifier celui-ci ou même de le modifier si finalement vous n’êtes pas d’accord avec la décision de votre représentant.
Avec ces moyens, il est donc envisageable de penser à la création d’organisation, offrant un pouvoir de vote aux résidents polynésien dans le cadre d’un projet ou de la participation à une pétition, tout cela, géré par des smart contracts.
2. Gestion des données du registre foncier
Une autre utilité possible à la blockchain serait la gestion des données et du registre foncier, le cadastre.
Elle pourrait servir de base de données distribuée et vérifiée pour les acteurs et utilisateurs, et usagers du service. Elle pourrait entre autres faciliter la vérification de détentions de biens fonciers dans le cadre d’achats ou de vente, notamment pour le calcul des frais de notaires.
Domaine de l'écologie
1. Traçabilité des produits locaux et importés
Une autre application envisageable sur le Fenua serait une traçabilité des produits de la mer qu’ils soient exportés ou consommés localement. Grâce à un QR Code il serait possible pour les consommateurs de connaître le nom du bateau ayant pêché le poisson, et tous les intermédiaires de la transformation à la vente en supermarché. Tout cela basé sur une blockchain.
On pourrait tout à fait l’inclure à tous les produits importés.
2. Gestion des déchets
La gestion des déchets est un sujet important en Polynésie Française, l’écrasante majorité de ceux-ci devant être évacuée à l’étranger pour le recyclage.
Afin de mieux contrôler la gestion de ces déchets, il pourrait être imaginé un service destiné à fournir une preuve de bon comportement environnemental pour toutes les personnes impliquées dans la chaîne d'approvisionnement du recyclage. Ce service basé sur la technologie blockchain pourrait par exemple assurer le suivi d’une bouteille en plastique depuis le moment où elle est créée, collectée, reconvertie en sa forme de matière première et renvoyée au fabricant pour la fabrication d'une autre bouteille en plastique.
Domaine de l'économie et de la finance
1. Paiements et transferts de fonds
La devise utilisée en Polynésie Française est le Franc Pacifique. Le fait est que de par son attachement à la France, l’import-export vers celle-ci est majeur. Les coûts de transactions pour passer du XPF à l’EUR peuvent grandement impacter les sociétés de ce secteur. En effet, les intermédiaires financiers prennent des commissions lors du change et du virement.
Un autre point important d’import-export sont les Etats-Unis, pour commercer avec les fournisseurs, les importateurs doivent s'affranchir d’une commission importante lors du change et du virement via le réseau de paiement SWIFT.
L’utilisation de la technologie blockchain est une solution qui à déjà été approuvée par plusieurs pays insulaires pour réduire leurs coûts de transaction.
2. Investissements et financements participatifs
Enfin, une mode de plus en plus répandue mais encore beaucoup gérée par des entités centralisées est le financement participatif, vous le verrez aussi souvent écrit en Anglais sous le nom de Crowdfunding.
Cette méthode d’investissement, de levées de fonds à tout de même beaucoup été utilisée en finance décentralisée sous la forme de ICO (Initial Coin Offering), d’offre au public de jetons ou encore de launchpad.
La mise en place de DAO pour la validation de projets à soutenir serait une solution efficace et décentralisée d’investissement, les revenus de ces projets étant, dans le futur, distribués aux détenteurs du token de la DAO.
Conclusion
Beaucoup de solutions basées sur la blockchain sont en cours ou ont déjà été lancées. La jeunesse de cette technologie donne toute les clés aux porteurs de projets ou visionnaires pour faire évoluer le monde grâce à cette technologie. Tout est encore à faire.
La Polynésie devrait en ce sens ouvrir la voie et encourager sa population à construire et développer des applications locales. Cela pourrait être particulièrement bénéfique à l’économie, aux emplois ou même aux utilisateurs et usagers des administrations publiques.
Au travers de cet article se dessinent des pistes à explorer, ce nouveau monde restant à bâtir sur les îles de la Polynésie, bien des idées sont à mettre en œuvre et elles n’attendent que des personnes motivées pour les mettre en place.
Alors, on se met au travail ?
Comments